Le bourg Saint-Marcel


Durant l’Antiquité la région bordant la voie romaine de Lutèce à Melun et Lyon qui traverse la Bièvre avant de remonter sur le plateau de la Butte aux Cailles (Mont Cétard) n’est pas urbanisée. Au IVe siècle une nécropole se développe de part et d’autre de la voie ; avec la christianisation, elle s’étend fortement du Ve au VIIe siècle. 

  < Le site au IVe siècle    

















Le bourg Saint-Marcel en 1150  >

Au début du VIe siècle, l’église Saint-Marcel est construite sur la tombe de l’évêque de Paris Marcel (mort en 435) devenue un lieu de pèlerinage. Trois autres églises ou chapelles dédiées à Saint-Martin, Saint-Hyppolite et Saint-Médard attestent de l’existence d’un village autour de la traversée de la Bièvre, appelé Chambois ou Chamboy.

Au nord, on trouve la basilique des Saints-Apôtres qui accueille la tombe de Sainte Geneviève et où Clovis sera enterré (elle deviendra l'abbaye de Sainte-Geneviève au IXe s.).


Le Moyen Age

A partir du XIIe s. entre le bourg formé autour de Sainte-Geneviève, Saint-Médard et le village dans la boucle de la Bièvre, autour des trois églises, une urbanisation plus ou moins continue se développe le long de la rue Mouffetard (1). Le bourg Saint-Marcel  ou Saint-Marceau dispose d’une enceinte qui s’appuie au nord sur la Bièvre et suit, au sud, les rues des Gobelins et de la Reine Blanche. Au milieu du XIVe, les troubles de la guerre de Cent Ans entraînent la construction d’une nouvelle enceinte bordée de fossés (rue Le Brun). Sur la rive gauche de la Bièvre cette seconde enceinte englobe le séjour d’Orléans, l’église Saint-Médard et le couvent des Cordelières.

 
Au XIVe siècle, les bourgs Saint-Médard et Saint-Marcel attirent les résidences aristocratiques le long de la rue Mouffetard et en bordure de la Bièvre.

En 1290, Marguerite de Provence, veuve de Saint Louis, se retire dans un manoir proche du couvent des Cordelières (religieuses de Sainte-Claire et de Saint-François ou Clarisses) installées faubourg Saint-Marcel l’année précédente.

Le côté est de la rue Moufettard se couvre alors d’hôtels depuis la porte Bordelles jusqu’à l’église Saint-Médard, le plus important étant la maison des Patriarches (de l’évêque Guillaume de Chanac, patriarche d’Alexandrie).

Rue Daubenton (alors rue des Bouliers), l’hôtel des Carneaux, dénommé séjour d’Orléans lorsqu’il devient en 1388 la propriété du duc Louis d’Orléans, frère de Charles VI, forme un très vaste ensemble de bâtiments et de jardins en bordure de Bièvre.

<  Le bourg Saint-Marcel en 1450 



Le long de la rue du Fer à Moulin (rue de Boulogne puis rue de Richebourg), on trouve les demeures de Hugues de Bourgogne (puis du comte du Forez), de l’évêque de Laon (puis de l’archevêque de Reims), du comte de Boulogne et de Charles d’Albret, connétable de France. Rue Broca (rue de Lourcine ou rue des Cordelières) se situent l’Hôtel-Dieu du Patriarche (hôpital construit en 1320 par Guillaume de Chanac, évêque de Paris puis patriarche d’Alexandrie), l’hôtel du Patriarche et l’hôtel du Maréchal de Boucicaut.


Plan de Mérian 1615 ^

La Manufacture royale des Gobelins, le faubourg industrieux

Ainsi, jusqu’au début du XVIe siècle, les bourgs Saint-Médard et Saint-Marcel mêlent, en bordure de Bièvre, artisanat et demeures seigneuriales. La décadence fut rapide au XVIe siècle : le séjour d’Orléans fut loti en 1541 (ouverture des rues Censier et de la Clef), les hôtels aristocratiques disparaissent, les quartiers à la mode désertent la rive gauche au profit du Marais et des abords du Louvre. Ils sont remplacés en bordure de rivière, par des activités de meunerie, de tanneries (travail du cuir), de mégisserie (travail des peaux de moutons et de chèvres), de teinturerie, de blanchissage… et quelques auberges et cabarets. 

En 1443 Jean Gobelin installe une teinturerie dans le faubourg en exploitant un procédé dont le secret est gardé pendant plusieurs générations. La teinturerie est cédée aux Canaye qui ajoutèrent la fabrication de tapisserie de haute lisse (2). L’entreprise devient vite florissante et en 1662 Colbert fait reconstruire les bâtiments  entre la rue Mouffetard (actuelle avenue des Gobelins) et la Bièvre et fait appel aux artisans qui ont servi le surintendant Fouquet pour l’aménagement de son château de Vaux-le-Vicomte.

En 1667, Charles Le Brun est nommé directeur de la « Manufacture royale des meubles et tapisseries de la Couronne ». La manufacture fournit les tapisseries, la vaisselle d’argent, les torchères et les meubles pour Versailles, avant de subir un certain déclin à la fin du règne de Louis XIV, lorsque les commandes royales se raréfient.


   <  Le bourg Saint-Marcel en 1600 















Le bourg Saint-Marcel en 1790 > 

Le XVIIe et le début du XVIIIe s. voient s'implanter des fondations religieuses, notamment rue des Postes (rue Lhomond). Les bourgs Saint-Médard et Saint-Marcel sont réunis à Paris en 1724.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le faubourg, malgré la réputation de la Manufacture, est un quartier très populaire, assez misérable et de très mauvaise réputation, à l’image de la Bièvre, cours d’eau extrêmement pollué.


 
La Bièvre. Dès le Moyen Age, la Bièvre a fait l’objet de travaux d’aménagement. Vers 1150, l’abbaye de Saint-Victor détourne le cours de Bièvre pour arroser son jardin (le canal des Victorins), la rivière se jette alors dans la Seine vers la rue de Bièvre actuelle. Au XIIIe s. ce canal alimente le fossé de l’enceinte de Philippe Auguste. Au plus tard au cours du XVIe s, le cours de la Bièvre est dédoublé : la Bièvre vive voit son cours relevé et canalisé de façon à ménager des chutes d’eau alimentant des moulins, la Bièvre morte recueille le trop-plein lors des crues. Au XVIIe et XVIIIe s, différents règlements tentent d’organiser l’entretien de la rivière et ses différents usages dont certains très polluants (teinturerie, mégisserie…).
 
La Bièvre au début du XVIIIe s  >

< Les tanneries de la Bièvre, vers 1865. Photo Ch. Marville. Carnavalet

 


A la veille de la Révolution, le faubourg comporte environ 50 000 habitants dont une forte proportion de provinciaux récemment immigrés, marginaux et sans qualification, à côté d’une population plus anciennement parisienne et plus intégrée de petits artisans, de boutiquiers et d’ouvriers du bâtiment. Ce caractère se renforce dans la première moitié du XIXe s. avec l’arrivée de nombreux travailleurs pauvres.

 < Le bourg Saint-Marcel en 1850















Le bourg Saint-Marcel en 1900  >

Les travaux d’Haussmann

Les travaux initiés par le baron Haussmann ont radicalement modifié l’aspect du quartier. L’ouverture des boulevards Saint-Marcel (1857) et Arago et de l’avenue de Gobelins (1859) avec la destruction de la collégiale Saint-Marcel vont faire disparaître le vieux bourg médiéval qui ne survit que, très partiellement, dans la rue des Gobelins et la rue de la Reine-Blanche. Le cœur du faubourg se trouvait à l’emplacement exact du carrefour des Gobelins (3).

Plus au nord, le percement des rues Monge et Claude-Bernard (1859) en reportant la circulation à l’est et à l’ouest permettra de conserver le cœur du faubourg Saint-Médard, autour des rues Mouffetard et Lhomond. L’ouverture de la rue Monge mettra à jour les arènes de Lutèce.


Situation actuelle  Age du bâti > 
document APUR / ALPAGE


 


(1) Déformation de rue du Mont Fétard, nom ancien de la butte aux Cailles.

(2) Les Canaye ou les Gobelin possédaient au XVIe s. le château de « La Reine Blanche » qui existe toujours rue des Gobelins.

(3) Les travaux permirent de découvrir une immense nécropole chrétienne du Bas Empire qui demeure encore sous terre de nos jours.


Liens

Sur Wikipedia : le faubourg Saint-Marcel

Sources        

Renaud Gagneux, Jean Anckaert,  Sur les traces de la Bièvre parisienne, Parigramme, 2002