Le centre de Paris

La Révolution et le Premier Empire

Sur le plan de l’urbanisme, la Révolution se situe dans la continuité des années précédentes. Les voies nouvelles créées dans les dix dernières années du XVIIIe siècle sont relativement nombreuses et toutes d’initiatives privées. En 1790, le comte de Provence lotit la partie ouest du jardin du Luxembourg : rue Madame, rue de Fleurus et rue Jean Bart. La rue Mandar (1792) et la rue des Colonnes (1793-1795) sont percées, cette dernière est remarquable pour son architecture néo-grecque. Les opérations suivantes utilisent les biens nationaux : rue et passage du Caire (1798), marché Thermidor (maintenant marché Saint-Honoré), lotissement du couvent des Filles du Calvaire…

Ces opérations se poursuivent sous le Consulat et l’Empire. La plus importante est l’ouverture de la rue de Rivoli, à partir de 1801, entre la place de la Concorde et la rue de l’Echelle ; elle est ouverte sur les emprises de couvents (Assomption, Capucins, Feuillants) et du manège des Tuileries. Ces terrains sont lotis (rue du Mont Thabor, rue de Castiglione) ; il en est de même du couvent des Capucines (rue Napoléon en 1806, rue de la Paix en 1814) et du couvent de la Conception (rue Duphot, 1807). Pour la rue de Rivoli, qui borde le jardin et l’aile nord des Tuileries, construite à partir de 1806, une architecture ordonnancée, dessinée par les architectes Percier et Fontaine est imposée. Toutes ces voies nouvelles se construiront lentement.   



^ La terrasse des Feuillants au début de la construction de la rue de Rivoli. 1812. BnF. 

En 1802, Bonaparte fait démolir le Grand Châtelet, ensemble de bâtiments disparates qui formait un goulet d’étranglement en plein cœur de Paris. La place du Châtelet est achevée en 1810. La transformation de l’église de la Madeleine, alors en chantier, en temple de la Gloire entraîne l’ouverture de la rue de Tournon et surtout le projet d’un boulevard symétrique de celui de la Madeleine, le futur boulevard Malesherbes qui sera réalisé par Haussmann. Le palais de la Bourse est bâti en 1813. En revanche, l’aménagement d’une place à l’emplacement de la Bastille de même que la réunion du Louvre et des Tuileries sont restés à l’état de projets.

Sur la rive gauche, outre le lotissement du terrain des Chartreux prévu au plan des artistes, la rue d’Ulm est percée, pour l’essentiel, sur l’ancien couvent des Ursulines ; c’est la première « percée » - voie nouvelle surimposée au tissu urbain existant - pour laquelle le recours à l’expropriation a été nécessaire en application de la loi de 1810. L’explosion du salpêtre entreposé dans l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés en 1794 entraîne la démolition des bâtiments conventuels et l’ouverture de la rue Jacob ainsi que la création d’une place devant l’église.

On doit au Consulat et à l’Empire la construction du pont des Arts, passerelle pour piétons, premier ouvrage construit en fer à Paris, ainsi que celle des ponts d’Austerlitz et d’Iéna. L’aménagement des quais dans l’île de la Cité date également de l’Empire. 

Pour l’approvisionnement de la ville, des marchés sont créés (marché Saint-Honoré, Saint-Martin et marché du Temple…). En 1811, des décrets prévoient une extension des Halles ; l’année suivante voit les premières expropriations et la fin de l’Empire en interrompt la réalisation mais l’emprise future des Halles est dès lors fixée. Une vaste halle aux vins est aménagée sur le terrain de l’abbaye de Saint-Victor. Pour pallier les famines dues aux mauvaises récoltes, un ensemble de bâtiments de 350 mètres de long est construit sur le terrain de l’Arsenal ; ces greniers de réserve (ou greniers d’abondance) servent à stocker la farine et l’huile. Pour l’alimentation en eau l'Ourcq est canalisée et la création du bassin de La Villette permet d'alimenter un vaste réseau qui dessert les fontaines de Paris . Le pavage des rues avec la création de trottoirs commence à se généraliser et l’Empire met en place, en 1805, la numérotation des maisons selon le système actuel.

Ainsi c’est surtout par la création d’équipements améliorant la vie quotidienne que l’Empire a marqué le centre de Paris. Le projet d’une « Rue Impériale » de la colonnade du Louvre à la place de la Bastille, jugé par l’Empereur lui-même trop ambitieux, est abandonné.

 
         La place du Châtelet en 1810 Etienne Bouhot  / Musée Carnavalet / 

< Les travaux dans le centre de Paris


La Restauration

La chute de l'Empire en 1814 et la défaite de Waterloo amènent à Paris les armées russes et anglaises qui campent sur les Champs-Élysées qu'ils saccagent. Louis XVIII, de retour d'exil, rentre dans Paris et s'installe aux Tuileries. Ni Louis XVIII ni Charles X ne se préoccupent de l'urbanisme parisien alors que, sous la pression démographique, le centre de la ville se densifie fortement. A l’intérieur de l’enceinte des Fermiers Généraux qui constitue la limite de la ville, quelques lotissements importants sont créés : le nouveau quartier Poissonnière en 1822, le quartier François Ier, le quartier Saint-Georges en 1823 et celui de l’Europe. (Voir  Les grands lotissements de la Restauration). Le quartier Saint-Georges, dit la « Nouvelle Athènes », en prolongement de la Chaussée d’Antin, est le quartier à la mode, habité par de nombreuses personnalités du monde des arts et de la politique. Dans le faubourg Saint-Germain, le lotissement des couvents des Dames de Bellechasse et des Carmélites permet l’ouverture des rues qui encadrent l’église Saint-Clotilde.

Dans le centre de Paris, la Restauration et la Monarchie de Juillet sont surtout caractérisées par le développement de passages couverts, apparus sous la Révolution, qui deviennent alors une véritable mode. Il s’agit en fait de voies piétonnes bordées de commerces tracées à travers les îlots, de galeries marchandes où la foule vient flâner.

Si le centre de Paris se densifie, sa périphérie, notamment dans l’est, au Faubourg Saint-Antoine, et, au sud, vers Saint-Marcel et Montparnasse reste peu construite, zone marginale où on trouve encore des fermes, des jardins maraichers, peuplée de gens très modestes qui vivent en marge de la grande ville. 

La Monarchie de Juillet

Après 1830, s’opère une prise de conscience des problèmes que connait Paris. L’afflux d’immigrants[1] venus de province, l’insalubrité des logements, la congestion de la circulation, les oppositions de plus en plus fortes entre quartiers pauvres insalubres (faubourg Saint-Marcel, La Cité, quartier de L’Hôtel de Ville…) et quartiers riches (L’ouest et le nord-ouest) dans une ville dont le centre a très peu changé depuis l’Ancien Régime, inquiètent l’opinion publique. L’épidémie de choléra en 1832 et les émeutes de 1834 et 1839 révèlent à la fois les très mauvaises conditions sanitaires et sociales des Parisiens pauvres et que ces conditions deviennent insupportables et dangereuses[2]. Les études et les rapports se multiplient, ils dénoncent un « déplacement » du centre de gravité de Paris vers l’ouest alors que la misère s’accroit et les activités dépérissent dans le centre et sur la rive gauche. En 1843, Hippolyte Meynadier, fonctionnaire affecté aux travaux de la ville, propose de créer un réseau de voies nouvelles pour assainir la ville, l’embellir et améliorer la circulation ; ses propositions préfigurent les réalisations d'Haussmann.

La préfecture de Rambuteau

Claude-Philibert Barthelot, comte de Rambuteau est nommé préfet de la Seine en 1833, il restera en place jusqu’en 1848. Prédécesseur d’Haussmann, il n’a pas laissé une œuvre comparable, même si, malgré un faible appui politique, il a pu engager quelques « percées » significatives dont certaine seront terminées après lui. En 1837, il fait percer la rue d’Arcole et la rue de Constantine (rue de Lutèce) dans l’île de la Cité ; premières voies nouvelles tracées dans un tissu urbain dense pour « assainir » ce quartier médiéval. La rue Rambuteau est achevée en 1845, elle améliore l’accès aux Halles. Il fait aménager les quais et modifie la place de la Concorde pour l’inauguration de l’obélisque de Louxor en 1836. La même année, l’Arc de Triomphe de l’Etoile est achevé. La fin de sa préfecture voit les projets de prolongation de la rue de Rivoli et d’ouverture de la rue des Ecoles et du boulevard de Strasbourg.

En 1828, apparaissent les premières lignes de transport en commun, elles vont rapidement se multiplier. L’éclairage au gaz se généralise, avec son corollaire, la construction d’usines à gaz, particulièrement polluantes. Sous l’administration de Rambuteau l’Hôtel de Ville est agrandi et son environnement modifié. On construit également beaucoup d’équipements publics : l’hôpital Lariboisière, des lycées, les prisons modèles de La Roquette et de Mazas. Ne bénéficiant pas d’un soutien politique qu’Haussmann trouvera auprès de Napoléon III, Rambuteau est aussi réticent en matière d’emprunt ; sa trace dans Paris reste ainsi modeste.

 

La place de La Concorde sous Louis-Philippe. Carnavalet ^ 

La colonne de Juillet, place de la Bastille >
 




[1] La population augmente de 22% entre 1811 et 1831 et de 39% entre 1831 et 1851.

[2] La mort du choléra en 1832 du président du Conseil, Casimir Périer illustre que l’épidémie ne touche pas que les pauvres.


Voir aussi 


Liens 


Sources

Delage (Irène) et Prévot (Chantal), Atlas de Paris au temps de Napoléon, Parigramme 2014.

Marchand (Bernard), Paris, histoire d'une ville, XIXe-XXe siècle, Paris 1993.