Le canal de l'Ourcq, le bassin de La Villette


L’alimentation en eau constitue un élément essentiel pour une grande ville. Les Parisiens consomment l’eau de la Seine ; les apports de la Bièvre et des rus qui descendent des coteaux de Belleville sont limités (voir les eaux de Belleville page 153). La pollution du fleuve est très forte dès le Moyen Age ; dans la traversée de Paris, elle se charge des déchets les plus divers et les cas de fièvres dues à l’insalubrité de l’eau touchent particulièrement les enfants, les provinciaux et les étrangers. 

L’idée d’amener à Paris les eaux de l’Ourcq, petit affluent de la Marne, date du XVIe siècle mais aucun projet n’aboutit. Bonaparte reprend ce projet à son compte et un décret de 1802 ordonne la création d’un canal de dérivation de l’Ourcq jusqu’à un bassin situé à La Villette.

Ce canal de 108 km admet la navigation de bateaux de faible tonnage et, à partir du bassin de La Villette, deux canaux doivent permettre de rejoindre la Seine, l’un vers le nord, le canal de Saint-Denis, l’autre vers le sud, le canal Saint-Martin. 


Canal projeté, la rivière et le canal de l'Ourcq. 1820. Bnf

Le canal Saint-Martin. Atlas de Jacoubet 1827 – 1836.

Les travaux menés par Simon Girard, ingénieur des Ponts et Chaussées, s’engagent en 1803 et le bassin de La Villette est mis en eau en 1808. Les travaux des canaux de Saint-Denis et Saint-Martin sont plus longs, plus difficiles à réaliser et plus coûteux car ils impliquent de nombreuses expropriations et sont perturbés par les revers militaires en 1814 et 1815. Le canal de Saint-Denis, long de 6,6 km, est mis en service en 1821, le canal Saint-Martin, long de 4,5 km, en 1825.

Le bassin de La Villette mesure 700 mètres sur 70 pour 2 mètres de profondeur. Ses berges plantées d’arbres en font, dès son ouverture, un lieu de promenade très apprécié. L’été on s’y baigne et l’hiver on vient y faire du patinage. Mais, après 1825, la mise en service des canaux qui permettent aux bateliers d’éviter la traversée de Paris va totalement transformer l’usage du bassin : les entrepôts et les usines s’implantent sur ses rives et vont faire de ce quartier le premier pôle industriel de la capitale (voir La Villette).

 

Le canal Saint-Martin

Le canal Saint-Martin traverse le faubourg Saint-Antoine qui a une ancienne tradition d’activités artisanales. Richard et Lenoir créent en 1802 la première filature française de coton dans l’ancien couvent du Bon-Secours, rue de Charonne ; à la fin de l’Empire, elle emploie plus de 800 ouvriers. L’ouverture du canal attire sur ses berges de vastes entrepôts (les dock Napoléon, des entrepôts de sel) et des industries très diverses alimentées en matières premières par le canal et par la Seine : métallurgie, mécanique, filatures, chimie et, bien sûr, fabriques de meubles.

Haussmann fait couvrir le canal en 1862 (boulevard Richard-Lenoir) au prix de travaux importants car il faut abaisser le canal d’une dizaine de mètres.

 

^ La barrière Saint-Martin et le canal de l’Ourcq. Christophe Cliveton. Gallica BnF.

L'abaissement du canal Saint-Martin- L'illustration >

 

Les fontaines à Paris vers 1840

Les premières fontaines de Paris sont alimentées par les eaux de Belleville et du Pré-Saint-Gervais amenées, au XIIIe siècle, par des canalisations vers la léproserie de Saint-Lazare, Saint-Martin-des-Champs et le Temple (Cf. Belleville). A la fin du Moyen Age, une vingtaine de fontaines desservent la rive droite.

En 1608, Henri IV fait installer une pompe sous les arches du Pont-Neuf. Cette pompe, la Samaritaine, dessert le Louvre et les Tuileries, elle est démolie en 1813 avec l’arrivée de l’eau de l’Ourcq. L’aqueduc construit à l’initiative de Marie de Médicis (de1612-1623) pour acheminer les eaux d’Arcueil/Rungis jusqu’au palais du Luxembourg alimente les fontaines de la rive gauche[1] et de la Cité. En 1672-1673, la ville décide l’installation de deux pompes sous le pont Notre-Dame ; le réseau est alors entièrement restructuré. 

La pompe à feu de Chaillot, 1781 >
La pompe de la Samaritaine. Bnf >>

  

Enfin, en 1781 et 1788, deux « pompes à feu », machines à vapeur pompant l’eau de la Seine, sont mises en service à Chaillot et au Gros-Caillou.

 

^ Adduction d'eau et fontaines vers 1840
Sous le Premier Empire, un nouveau réseau va se superposer aux systèmes anciens.

Du bassin de La Villette partent deux canalisations en fonte alimentant les fontaines de Paris. Vers le sud, la galerie Saint-Antoine longe le canal Saint-Martin et aboutit au bassin de l’Arsenal. Elle est prolongée en passant sous le pont d’Austerlitz jusqu’au réservoir Saint-Victor qui alimente les fontaines de l’est de la rive gauche. Vers l’ouest, l’aqueduc de ceinture long de 4 350 m arrive au réservoir de Monceau (barrière de Monceau). Partant de ces galeries, de nombreuses dérivations alimentent les fontaines. Deux canalisations passant l’une sous les ponts au Change et Saint-Michel pour aboutir à un réservoir rue Racine, l’autre sous le pont de la Concorde alimentent la rive gauche. Ce nouveau réseau est achevé dans les années 1820-1830.


Quinze nouvelles fontaines, sept sur la rive droite et huit sur la rive gauche, sont érigées, financées par l’Etat et entretenues par la Ville. Quelques-unes subsistent : la fontaine du Palmier (place du Châtelet), la fontaine du Fellah (42 rue de Sèvres, 6e), la fontaine de Mars (rue Saint-Dominique, 7e). La plus importante, celle du Château-d’Eau (ou des lions) construite sur la place du même nom a été déplacée devant la Grande Halle de La Villette lors de l’aménagement de la place de la République.


 
 
^ La place du Château d'eau vers 1840 © Roger Viollet

< la fontaine du Fellah, rue de Sèvres

Grâce à ce réseau, l’Empereur pouvait penser avoir résolu la question de l’alimentation en eau potable de Paris. Malheureusement, avec le développement du trafic sur les canaux et l’implantation d’industries sur leurs rives, la qualité de l’eau distribuée n’était pas meilleure que celle de la Seine. 



[1] Jusqu’alors alimentée en eau uniquement par des puits.


Voir aussi

Le faubourg Saint Antoine, La Villette, les eaux de Belleville


Liens




Sources

Delage (Irène) et Prévot (Chantal), Atlas de Paris au temps de Napoléon, Parigramme 2014.